Les pays du Golfe face à la crise économique

La crise financière qui a débuté en septembre 2008 aux Etats-Unis n’épargne pas la région du Golfe. L’onde de choc a sévèrement atteint certains émirats comme Dubaï où l’arrêt brutal des grands projets suscite l’inquiétude des décideurs locaux et crée la panique chez les investisseurs étrangers.

Les pays du Golfe, un pôle économique et financier

Après septembre 2001 et les différentes mesures de gel des avoirs imposées par les Etats Unis, les monarchies du Golfe ont opéré un changement de stratégie dans leurs investissements:

  • Elles investissent de plus en plus dans le Golfe, le Maghreb, en Asie et financent quelques projets africains.
  • Elles ne se contentent plus de déposer leurs revenus dans les banques occidentales mais interviennent de plus en plus dans le financement, le montage et voire même l’exécution de certains projets comme par exemple la construction du futur aéroport de Dakar.
  • Elles recherchent une intégration de leur marché dans l’économie mondiale. Trois émirats se sont lancés de façon effrénée dans cette course à l’intégration : Dubaï, Bahreïn et Qatar. Ces trois nouveaux acteurs ont développé des secteurs nouveaux comme les services financiers, le commerce international, la communication, l’éducation, le transport aérien, l’immobilier et le tourisme.
crise economique pays golfe© Jósa Piroska, CC BY-SA 3.0

En une dizaine d’années la région s’est imposée comme une place financière de premier plan et une plate-forme d’affaires extrêmement active. Grâce à des surplus estimés à plus de 1500 milliards USD, cumulés au cours des six dernières années, les pays du Golfe ont financé des mégaprojets immobiliers, touristiques, industriels ainsi que de gigantesques travaux d’infrastructures.

Selon les chiffres du FMI et de l’IIF (Institute of International Finance) ces nouveaux secteurs d’activité ont procuré aux pays du Golfe entre 60 et 100 milliards USD de revenus en 2007.

Au début de l’année 2008, les investissements des pays du Golfe (Arabie Saoudite, Koweït, Bahreïn, Emirats Arabes Unis, Qatar, Oman) s’élevaient à plus de 1000 milliards USD.

La crise économique aux pays du Golfe : l’effet domino

Malheureusement ces nouveaux pôles de croissance n’ont pas échappé au marasme économique actuel. En développant des activités dépendantes des marchés mondiaux, les pays du Golfe ont été rattrapés par la crise qui secoue les économies occidentales.

Les relations de coopération mais aussi de dépendance économique et monétaire avec les Etats-Unis et l’Europe n’ont pas arrangé la situation.

La crise du marché financier

Pris dans la tourmente de la crise mondiale, les places boursières et les systèmes financiers de la région ont été les premiers à subir le contrecoup:

  • Les places boursières ont enregistré en octobre 2008 leurs premières baisses depuis six ans. Entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2008, la bourse de Riyad, premier marché financier arabe en termes de capitalisation, a connu un recul de 56,49%. La situation ne s’est guère améliorée en janvier 2009. En un mois, les bourses des pays du Golfe ont perdu 51 milliards USD.
  • Le montant des pertes des pays du Golfe est estimé à plus de 400 milliards USD, fin décembre 2008.
  • les fonds souverains, évalués à 1500 milliards USD à la mi-2008, ont perdu 450 milliards USD suite à la déroute des banques américaines.
  • La crise s’est propagée aux compagnies d’assurance qui ont enregistré un repli de leurs valeurs boursières. A ce jour, la valeur de l’action de Tawuniya, premier assureur du monde arabe, a baissé de 79% sur 12 moi. Même scénario à Dubaï où l’assureur Aman a connu un déclin de 69% de sa valeur en une année. Toujours pour la même période, la société qatarie Al Khaleej Insurance a enregistré une baisse de 62%.

La pétrochimie dans la tourmente

Cette crise a également touché des secteurs clés comme la pétrochimie qui a subi le contrecoup de la baisse des prix du brut. Déprimé par la récession mondiale et la spéculation, le prix du baril est redescendu pour la première fois depuis 4 ans en dessous de la barre de 40 dollars en décembre 2008. Les cours du brut sont passés en 3 mois de près de 150 dollars le baril à un plus bas de 38 dollars.

Les pays du Golfe, qui tirent plus de 80 % de leurs revenus de l’exportation du pétrole, verront leur rente pétrolière fondre de presque 50 % en 2009. Elle se situera à 257 milliards USD en 2009 contre 460 milliards USD en 2008.

L’Arabie Saoudite, premier pays exportateur de pétrole, annonce pour la première fois depuis 2002 un déficit budgétaire pour 2009.

La crise de l’immobilier: le cas de Dubaï

crise immobilier DubaïPlus vulnérable aux chocs externes, le secteur de l’immobilier a été secoué par la crise. Le boom économique, réalisé à coup de mégaprojets immobiliers, est brutalement stoppé pour une période indéterminée, avec pour toile de fond la baisse du prix de l’immobilier résidentiel (un repli de 80% est prévu pour 2009), le manque de liquidités, le durcissement des conditions d'octroi des prêts bancaires.

Après «The World», «Palm Island», «Burj al-Arab», «Burj Dubaï», «Hydropolis», la piste de ski en plein désert ainsi que d’autres projets pharaoniques, Dubaï, la plus touchée des monarchies du Golfe, marque un temps d’arrêt.

Ce «business model» dépendant à 90 % du secteur non pétrolier a bâti une économie entièrement tributaire du surplus de liquidités des pays du Golfe. Aujourd’hui, Dubaï fait face à une lourde dette estimée à 80 milliards USD fin 2008, soit 148% du PIB.

Résultat des courses, le montant global des projets gelés s’élève à 582 milliards USD, début 2009, soit 45% de l’ensemble des projets.

La dette de Dubaï est désormais plus onéreuse que celle de l’Islande. Dubaï doit rembourser, d’ici la fin 2009, 15 milliards USD à un consortium de banques internationales. Faute de chantiers et de financements, Dubaï a annoncé dès décembre 2008 que 45% des salariés risquent de perdre leurs emplois en 2009.

Crise économique, les pays du Golfe jouent la carte de la prudence

En dépit des pertes, les monarchies du Golfe dans leur ensemble sont classées parmi les pays qui ont le mieux résisté à la crise, grâce à un excédent financier considérable. Leurs réserves cumulées ces dernières années, les aideront à surmonter la crise, éviter la récession, combler les déficits et être en mesure de poursuivre certains projets. Le gouvernement saoudien a annoncé fin décembre 2008 que des investissements d’une valeur de 400 milliards USD sur cinq ans, seront maintenus. De même pour les Emirats, qui poursuivront certains projets d’un coût total de 698 milliards USD.

Pour l’immédiat, l’année 2009 s’annonce difficile. Avec le déclin des cours du brut, le taux de croissance des pays du Golfe va connaître un ralentissement. Il sera, d’après le FMI, de 3,5% en 2009 contre 6,8% en 2008. Un repli temporaire selon certains analystes car à partir de 2010, ce taux est estimé à 5,4%. De plus, si le prix du baril de pétrole remonte au-dessus de 45 dollars, ces pays pourront très vite retrouver une croissance stable et réaliser d’importants excédents budgétaires.

Les pays du Golfe, un rôle de stabilisateur en période de crise

Sur le plan international, l’assistance financière des monarchies pétrolières du Golfe a été sollicitée, dès le début de la crise, par nombre d’états occidentaux pour sauver le système financier mondial.

En s’engageant à maintenir en 2009 les différents programmes d’investis-sements, ces monarchies contribueront à réduire l’impact de la crise et joueront un rôle de stabilisateur, voire de sauveur de l’économie mondiale.

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